L'impressionnante
citadelle de Vauban, construite à partir de 1685, a quelque peu occulté le
château de Blaye qu'ont connu et habité Claude de Saint-Simon et son fils. Cet
"antique château féodal construit bien avant le 10ème siècle, mais
restauré à différentes reprises au cours de l'épopée anglaise" fut
longtemps la demeure des Rudel, dont le nom est resté célèbre grâce au
troubadour Jaufré Rudel qui vécut au 12ème siècle, participa peut-être à la
deuxième croisade et reste aujourd'hui encore le poète de "l'amour
lointain" dont la légende prétend qu'il alla mourir, par-delà les mers, aux
pieds de la comtesse de Tripoli.
"Lanquan li
jorn son lonc en may
M'es belhs dous
chans d'auzelhs de lonh,
E quan mi suy
partitz de lay
Remembra.m d'un amor de lonh :
Remembra.m d'un amor de lonh :
Vau de talan
embroncx e clis
Si que chans ni
flors d'albespis
No.m platz plus que l'yverns gelatz."
No.m platz plus que l'yverns gelatz."
Lorsque les
jours sont longs en mai,
Me plaît le
doux chant d'oiseaux lointains,
Et quand je
suis parti de là
Me souvient
d'un amour lointain;
Lors m'en vais
si morne et pensif
Que ni chants,
ni fleurs d'aubépines
Ne me plaisent plus qu'hiver gelé
Ne me plaisent plus qu'hiver gelé
"A
la mort de M. de Luxembourg, frère du connétable de Luynes, le Roi donna le
choix à mon père de sa vacance. Il avait les chevau-légers de la garde et le
gouvernement de Blaye. Mon père le supplia d’en récompenser des seigneurs qui
le méritaient plus que lui, déjà comblé de ses bienfaits. Le Roi et lui
insistèrent dans cette singulière dispute ; puis, se fâchant, lui dit que
ce n’était pas à lui ni à personne à refuser ses grâces, qu’il lui donnait
vingt-quatre heures pour choisir, et qu’il lui ordonnait de lui dire le
lendemain matin le choix qu’il aurait fait. Le matin venu, le Roi le lui
demanda avec empressement. Mon père lui répondit que puisque absolument il lui
voulait donner une des deux vacances, il croyait ne pouvoir rien faire de plus
avantageux pour lui que de le laisser choisir lui-même. Le Roi prit un air
serein et le loua ; puis lui dit que les chevau-légers étaient brillants,
mais que Blaye était solide, une place qui bridait la Guyenne et la Saintonge,
et qui dans des troubles faisait fort compter avec elle ; qu’on ne savait
ce qui pouvait arriver ; que s’il venait après lui une guerre civile, les
chevau-légers n’étaient rien, et que Blaye le rendrait considérable, raison qui
le déterminait à lui conseiller de préférer cet établissement. C’est ainsi que
mon père a eu ce gouvernement, et que les suites ont fait voir combien Louis
XIII avait pensé juste et quelle était sa bonté, non par ce que mon père en
retira, mais par tout ce qu’il méprisa, et par la fidélité et l’importance du
service dont il s’illustra."
Saint-Simon
Mémoires
Gallimard, La Pléiade (édition Yves Coirault)
tome I, pp 59-60
L'inventaire dressé après le
décès de Louis de Saint-Simon et publié par Johel Coutura (Cahiers Saint-Simon,
numéro 12, 1984, pp 93-104), indique assez clairement la modestie du mobilier
et rend d'autant plus pertinente la remarque adressée par Claude de Saint-Simon
à son cousin chargé d'accueillir le Roi à Blaye en 1659 : "pour excuser
les meubles, on ne manquera pas à dire que les meubles de Blaye sont les canons
et les mousquets pour servir le Roi".
Saint-Simon, très soucieux de
défendre ses prérogatives contre toute prétention qu'il jugeait injustifiée
(cf. le conflit avec Montrevel, gouverneur de Guyenne, et son règlement, Mémoires, tome 4, pp 597-601), ne
résida, semble-t-il, que deux fois dans son château de Blaye, en 1721 et 1722,
à l'aller et au retour de son ambassade à la cour de Madrid.
"De Ruffec, j'allai en deux
jours à La Cassine, petite maison à quatre lieues de Blaye que mon père avait
bâtie au bord de ses marais de Blaye, que je pris grand plaisir à visiter; j'y
passai la veille et le jour de la Toussaint, et, le lendemain, je me rendis de
fort bonne heure à Blaye, où je séjournai deux jours. J'y trouvai plusieurs
personnes de qualité, force noblesse du pays et des provinces voisines, et
Boucher, intendant de Bordeaux, beau-frère de Le Blanc, qui m'y attendait, et
auxquels je fis grand-chère soir et matin pendant ce court séjour. Je
l'employai bien à visiter la place dedans et dehors, le fort de L'Isle et celui
de Médoc vis-à-vis Blaye, où je passai par un très fâcheux temps. Mais je les
voulais voir, et j'y menai mon fils, qui avait la survivance de mon
gouvernement."
Saint-Simon
Mémoires
Gallimard, La Pléiade (édition Yves Coirault)
tome VIII, page 5
Photos : William della Rocca
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire