mardi 12 mars 2019

Saint-Simon et Hardouin-Mansart


Saint-Simon évoque à plusieurs reprises dans ses Mémoires la figure de Jules Hardouin-Mansart  (1646-1708), neveu de François Mansart, nommé surintendant des Bâtiments en 1699.

Il fait dire à Le Nôtre, interrogé par le Roi sur la colonnade que l'architecte avait bâtie dans un bosquet des jardins de Versailles : "Sire, que voulez-vous que je vous dise ? D'un maçon vous avez fait un jardinier ; il vous a donné un plat de son métier" (I , p.739). Il convient de noter cependant que Le Nôtre fut le premier à introduire le jeune Hardouin-Mansart auprès du Roi ; mais une brouille s'ensuivit. On retrouve ce même esprit critique dans tous les passages où il est question de l'architecte, particulièrement dans l'histoire du pont de Moulins emporté par les courants de l'Allier.

Commencé en 1705, le pont à trois arches de Moulins, encore inachevé, fut emporté par la crue le 8 novembre 1710, soit près de deux ans après la mort de Jules Hardouin-Mansart qui ne put donc être présent lors de l'échange entre le Roi et le comte de Charlus, rapporté par Saint-Simon (III, p.136).

Dans son article sur le pont de Moulins (Jules Hardouin-Mansart, 1646-1708, sous la direction d'Alexandre Gady, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2010), Guillaume Fonkenell rappelle que de 1608 à 1703 "six ouvrages en pierre ou en bois furent successivement emportés". Ce n'est qu'en 1753 que fut entrepris le pont toujours en place aujourd'hui sur les plans de l'ingénieur Régemortes. Le chantier du pont de Moulins conçu par Hardouin-Mansart avec son grand arc central de 46 mètres de diamètre mobilisa des moyens considérables et l'architecte fut très attentif à son évolution jusqu'à la fin de sa vie. "L'échec du pont de Mansart est donc plus révélateur des limites de l'ingénierie hydraulique de la fin du XVIIe siècle que des défaillances de son architecte" (op. cit., p.552).



A Versailles, architecte de la Galerie des Glaces, de l'Orangerie, du Trianon de marbre et de la chapelle, Hardouin-Mansart s'attire, à propos de celle-ci, ce jugement sévère : "On croit voir un palais qui a été brûlé, où le dernier étage et les toits manquent encore. La chapelle qui l'écrase, parce que Mansart voulait engager le Roi à élever le tout d'un étage, a de partout la triste représentation d'un immense catafalque" (V, p.532-533).

Il convient de souligner que Jules Hardouin-Mansart réaménage l'hôtel de Lorge bâti par Antoine Lepautre en 1668, acquis en 1669 par le financier Nicolas Frémont, bientôt habité par sa fille et son gendre, Guy de Durfort, comte de Lorge, futur beau-père de Saint-Simon. C'est à l'hôtel de Lorge, situé rue Neuve-Saint-Augustin, qu'eurent lieu les cérémonies du mariage du mémorialiste avec Marie-Gabrielle de Durfort, le 7 avril 1695.

En 1697, Hardouin-Mansart est chargé de reconstruire le grand corps de logis avec, au rez-de-chaussée, un vestibule à colonnes ouvert entre les deux cours, qui devint rapidement célèbre pour sa nouveauté, et que l'on rapprocha du "péristyle" du Trianon de marbre construit dix ans plus tôt (Nicolas Courtin, op.cit., p.416).

Après le décès du maréchal de Lorge, son fils, époux de la "grande biche" pour laquelle Saint-Simon éprouvait une profonde affection, loua l'hôtel en 1703 à son beau-père, le ministre Michel Chamillart.






Jules Hardouin-Mansart devant Louis XIV de Simon Mingasson (1849)
- Nouvelle acquisition du Musée de l'Armée - 

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